La fabuleuse histoire de l’ours (1)Rouffignac, les carnets de JJS, page 15
- Jean-Jacques Sagot
- 4 nov. 2024
- 2 min de lecture
les carnets de JJS, page 15
La fabuleuse histoire de l’ours (1)
Rouffignac
En Périgord, on a encore une petite et lointaine complicité avec l’ours…
Un de nos joyaux (si vous ne le connaissez pas, ajouter la visite sur votre agenda !) est la grotte de Rouffignac qu’on appelait un temps la « Grotte aux cent mammouths ». Ce n’était pas exagéré, tant les gravures sont nombreuses, magnifiques, précises. Il faut aller tout au fond de la grotte (c’est un petit train qui nous y conduit) pour pencher la tête en arrière et admirer le grand plafond. On dit de Lascaux que c’est la Chapelle Sixtine de la préhistoire, mais Rouffignac peut concurrencer la fameuse grotte (dont on ne peut visiter que le fac-simile, dit Lascaux II, mais ça vaut aussi le coup !)
Le grand plafond est une splendeur. Depuis la démonstration du professeur Claude Barrière, on sait que l’enchevêtrement des mammouths, bisons et bouquetins n’est pas aléatoire. Renforcé par des signes et entrelacs, il s’agit bien d’un ensemble ordonné par un (une ? des ?) maître d’œuvre. Celui-ci a un âge certain : environ 150 siècles.
Beaucoup d’ hypothèses se confrontent à propos de notre artiste du Magdalénien. Mais ce qui est certain, c’est qu’il est allé délibérément au fond de ce dédale souterrain non pas pour y habiter ou s’y réfugier mais pour y établir un lieu « sacré ». J’emploie ce terme délibérément moi aussi pour signifier qu’il était réservé à des « activités » différentes de celles du quotidien. Les représentations animales étaient elles aussi « extraites » du monde habituel : aucune ne figure son environnement (pas d’arbres, de prairies…)
Lors d’une participation à des visites menées par le couple de préhistoriens Brigitte et Gilles Delluc, je leur posai (non innocemment) la question : mais ne peut- on pas imaginer que nos ancêtres, dans ces grottes ornées, faisaient du taichichuan ? Je développai ma question : espace orné sacré pour des activités sacrées ? Par exemple des danses où l’on se transmet des gestes codifiés de chasse ou de guerre, en endossant des attitudes apprises de l’observation des animaux ? D’autant plus qu’en ces temps-là, la vie des hommes était imbriquée avec celle des animaux d’une toute autre façon qu’aujourd’hui.
En Chine, ça s’appelle le taichichuan, ajoutai-je. Gilles, avec un grand sourire, me répondit que l’hypothèse était plus que recevable, mais qu’il sera difficile pour les préhistoriens de l’attester. L’art pariétal laisse plus de traces que l’art du geste … quoique…
Et l’ours alors ? La semaine prochaine !
JJ Sagot
Illustration : relevé du Grand Plafond de Rouffignac par Claude Barrière

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